Récits de voyages et randonnées diverses avec un mulet:UN VRAI MULET
Chapitre III
Résumé de l'épisode précédent: Le tout est de dire comment bien se préparer pour arpenter un chemin Vendéen "en Charentaises" avec un mulet de choix et me voici maintenant surpris par un éclatement de pneu.
Dans le sud Vendée.
Ici tout est plat, et l’eau, douce, salée ou saumâtre est bien présente.
Non loin des Sables d’Olonne, à Longeville on peut se promener sur la plage, l’air y est bon et j’imagine que dans les années 50 un préventorium s’y est installé comme dans la plupart des villes du littoral de cette côte atlantique.
Il me faut traverser une très grande forêt pour rejoindre le centre équestre d’Angles situé sur la route des Conches.
Elle traverse une zone de marais, dans laquelle on peut observer de la route des oiseaux sauvages, notamment des cygnes et des cigognes.
En s'enfonçant dans le marais, on peut observer dans les conches des canards, des cormorans, divers oiseaux comme des bécassines, vanneaux, pluviers...
Ne sachant pas ce qu’est une Conche j’ai demandé à une autochtone de m’en livrer le secret : Généralement c’est un bassin naturel qui constitue le second réservoir d’un marais salant, mais ici, il s’agit dans ce territoire spécifique d’une partie de « terrain qui est surbaissé et entouré d’un talus, un « bots »,sorte de merlon pour le protéger des vents dominants, du cinglage et des éventuelles arrivées d’eau ». Autrefois, la Conche devenait alors jardin potager et par la suite compte tenu de la nature du terrain les gens du cru y cultivaient les bulbes de glaïeuls mais surtout de tulipes en grand nombre favorisant d’important échanges entre la Hollande et la commune de Longeville .
Dans le sud de cette Vendée il y a la Tranche-sur-mer, la pointe de l’Aiguillon en littoral mais c’est surtout le marais avec ses innombrables canaux pour la plupart infranchissables qui m’ont causé le plus de difficulté.
Le coup de sabot du mulet.
Au départ du centre équestre d’Angles, j’ai mis trop tôt la grelotière au cou de Mario, entraînant une réelle frayeur de la part d’un étalon frileux situé non loin de nous, lequel a bousculé le mulet qui pour se protéger a fait un écart sur moi en m’écrasant le petit orteil. Avec cette blessure j’étais enfin accompagné durant mon voyage car celle-ci venait très souvent me faire une annonce pour me signifier qu’elle était bien présente.
« Heureux sont les muletiers qui voyagent avec leur mulet préféré qui leur fait du pied! »
C’est peut-être à cause de cette lancinante douleur que j’ai une fois de plus perdu le nord et que j’ai longtemps erré dans le marais sans jamais pouvoir franchir ce grand canal de traverse qu’est Le LAY.
Après de longs et pénibles détours, parce que le moral n’aime pas tourner en rond et naviguer à contre courant je suis arrivé en milieu de journée à Grue, un gentil bourg où j’ai mangé une bricole de rien.
Souhaitant éviter la route et son goudron j’ai réédité mon erreur jusqu’ à Saint-Denis-du-Payré puis Champagné-les-Marais en pestant de plus belle contre le canal de Luçon que je devais à tout prix traverser.
Il y a 20 années j’avais eu la même difficulté d’orientation lors de mon premier voyage en terre poitevine. Le canal de bordure dit "des hollandais" s’était montré lui aussi bien rebelle !
De grands prés marécageux !
Les immensités herbeuses et planes sont interminables et les kilomètres ne se mesurent pas , seul le temps s’étire pour parvenir à s’allonger vers un autre canal, pour s’étendre dans une pièce d’eau que je longe maintenant en espérant que j’en verrai bientôt le bout. Pour faiblir encore un peu mon moral je me mets à balbutier le chant des marais, air de circonstance dont je connais encore les paroles : « loin vers l’infini s’étendent de grands prés marécageux, plus un seul oiseaux ne chante sur les arbres secs et creux, ô terre de détresse, où nous devons sans cesse, Piocher, Piocher.. ». Tout cela était un peu triste et pour chasser la scoumoune et me donner de l’allant j’ai sorti l’harmonica du sac et j’ai mis cela en musique, en me disant qu’il y a bien plus malheureux qu’un muletier libre et de bonnes mœurs musardant dans un territoire si extraordinaire. La théorie de la relativité n’était plus à inventer !
Et parce que mon harmonica de rando est chromatique, d’autres airs connus et plus gais ont spontanément surgi de l’instrument mettant ainsi de la joyeuseté dans l’air marin et dans mes pas. ‘Youp la la’.
La marche au long cours permet de se libérer des illusions, de notre indispensable pour se concentrer sur l'intensité du présent, celui que l'on vit loin des mirages et des artifices. tout cela, me semble-il facilite le franchissement de nos frontières intérieures. Cette bénéfique introspection vaut bien quelques lancinantes douleurs au petit orteil, n'est-ce-pas?
Jean, depuis Thésée 41. Rendez vous la semaine prochaine autour du chapitre IV: " un temps de gueux" "on peut les apercevoir au périscope" " j'ai vu les restes d'une Ouielle" "le dangereux pont du Brault"